Cinq, six, sept, huit, neuf...

J'ai du mal à ouvrir les yeux. Alors autant les laisser fermés. Mais je ne suis pas fatiguée. Alors je m'efforce de les ouvrir. C'est encore un peu flou mais je suis dans une salle aux tons orangés. Le flou s'atténue et laisse place à un petit piquotement au cou. Puis se piquotement se change en une douleur qui s'intensifie. Ca fait mal, je ne peux pas bouger la tête - pourquoi une opération à cet endroit ? - je n'arrive pas à voir si quelqu'un pourrait m'aider. Alors je pleure, parce que je n'ai jamais eut une telle douleur. C'est pire que quand tu tombe et que ton genou est égratiné. C'est pire que quand on te tape avec un cartable. C'est pire que quand tu as mal au ventre. Je ne connaissais pas cette douleur, maitenant j'aurai préféré ne jamais la connaître. Je me force tant bien que mal - Dieux sait que le mal ne me fait pas de bien - à tourner la tête, mais c'est trop dur, je n'ai plus le contrôle de mon muscle sterno-cléido-mastoïdien - le nom est biensur su plusieurs années plus tard.

Une infirmière se montre enfin. Elle me demande si je vais bien, mes larmes ne doivent pas lui suffire. Elle me demande ensuite de dire sur une échelle de 0 à 10 l'intensité de ma douleur. << 9 >> pour ne pas dire 10. Enfin elle me demande si je veux voir mes parents - quelle question.
Maman est vers mes pieds, d'ailleurs elle me tient la cheville de ses mains douces et chaudes. Papa, lui a le droit à ma tête et en profite pour caresser mes cheveux. D'un côté Maman me plains et essaie de glisser des << Tu as été forte >> entre les << Tu as pu voir la salle d'opération ? >> et les << Ma chérie tu es une grande fille >> entre les << Tu as compter jusqu'à combien ? >>
Cela me faisait oublier ma douleur, de les voir tous les deux ensembles pour moi. Puis on m'a emmenée dans ma chambre. Toujours avec le lit roulant. Je savour cette fois-ci le trajet avec mes parents. On reprend l'ascenseur, puis les couloirs. Aïe ! Je l'avais oublié celui là ! Ce sursaut m'a fait tellement mal que des larmes recoulèrent.
Dans la chambre, il faut me passer de mon ami le lit qui roule à mon lit qui sent mauvais. Je voyais tout le monde prendre les draps pour me soulever. << Ne bouge pas surtout >> J'avais l'impression d'être lourde. Lorsqu'ils me soulèvent, j'essaie de lever automatiquement ma tête. Et la douleur de tout à l'heure me revient et me fait pousser un gémissement que mes parents n'ont pas compris sur le moment. Le médecin explique que c'est parce que je bouge mon cou et que le muscle sectionné était encore à vif. Qu'est-ce que ça fait mal !

 

Quelques heures plus tard deux infirmières m'expliquent qu'elles vont me faire un plâtre. On m'emmène donc dans une salle, toujours avec un lit roulant. Une structure plutôt rudimentaire se tient dans la salle. Je me retrouve en quelques minutes en suspension au-dessus du sol par cet assemblage métallique. La mise du plâtre est longue, mon dos est petit à petit recouvert, puis ma tête. Ca commence à faire lourd. Il faut pourtant attendre que ça sèche. Ensuite je suis installée de nouveau dans ma chambre. J'ai donc tout le temps de me familiariser avec cette coquille blanche qui m'enfermera pendant un mois. C'est pas trop serré mais c'est quand même bizarre. Une chose me fait rire bien que je sois fatiguée après tout ça : on m'a laissé une fenêtre ! Elle se situe sur mon ventre, de ma poitrine à mon nombril. Je me vois donc comme le sixième teletubies.

Dur cohabitation...